Prosper Claeys, L’antisémitisme à Gand en 1800

Messager des Sciences Historiques, 1894, pp. 369-372.

Pendant ľannexion de notre pays à la France, il arrivait fréquemment, à la fin du siècle dernier et au commencement du siècle actuel, que des personnes professant le culte Israélite fussent injuriées et même maltraitées dans les rues.

Malgré les lois qui proclamaient la liberté absolue de conscience et la faculté pour tous les citoyens de professer le culte qu’ils préféraient, cet abus prit un tel caractère de gravité que les Juifs demeurant à Gand crurent nécessaire de demander la protection de l’autorité. Ils adressèrent au préfet du département de l’Escaut, Faipoult, une pétition dans laquelle ils priaient ce haut fonction naire de faire mettre un terme aux vexations de toutes sortes dont ils étaient continuellement l’objet.

Le Conseil municipal, saisi de la question, prit dans sa séance du 9 prairial an VIII (29 mai 1800) la décision suivante :

“L’administration municipale du canton de Gand.

– Informée que plusieurs personnes sont assez mal intentionnées pour insulter et maltraiter journellement dans les rues, sur les places publiques, et ailleurs, des Citoyens proffessant la Religion judaïque.

– Rappelle à ses Concitoyens que sous le Gouvernement républicain les principes de liberté et d’égalité, qui en sont les bases, garantissent à chaque citoyen, quel que soit le culte qu’il embrasse, sûreté et protection pour sa personne et ses propriétés ;

– Qu’en conséquence les auteurs des atteintes à ces droits ne pourront que provoquer sur eux toute la sévérité des lois établies pour la répression de ces atteintes, et dont l’Administration municipale est déterminée à maintenir l’exécution de la manière la plus scrupuleuse.

Le présent avis sera inséré dans la Gazette de Gand.
Fait en séance du 9 prairial an VIII.
Présents les citoyens Jean Louis van Melle, Président; Quetelet, Simoens, Administrateurs municipaux; et Périer, secrétaire en chef.”

Cette proclamation fut publiée, avec la traduction flamande, dans la Gazette van Gent.

Nous ne connaissons la pétition envoyée au préfet que par la mention qui en est faite dans le procès-verbal de la séance de l’administration municipale du 9 prairial an VIII.

Il nous a été impossible de retrouver l’original de cette pétition, les anciennes archives du département de l’Escaut présentant de grandes lacunes, principalement pour la période dont nous nous occupons en ce moment.

Seraient-ce peut-être les vexations dont ils étaient l’objet qui avaient déjà en 1798 engagé les Juifs à solliciter de l’administration municipale l’autorisation d’avoir un cimetière particulier, entouré de murailles afin de mettre à l’abri des profanations les tombes où reposaient les membres de leur famille? Ce fait, qui n’aurait rien d’extraordinaire, nous a été révélé par le procès-verbal de la séance de l’administration municipale du 29 fructidor an VI (15 septembre 1798), où nous lisons:

“Le citoyen Moyses, juif de nation, demande à cette administration à faire un mur sur le terrein qui leur avait été accordé pour leur servir de cimetière.

L’administration considérant que la constitution ne reconnaît aucun culte dominant ni aucun privilège déclare qu’il n’y a pas lieu à délibérer.”

Au commencement de ce siècle encore les Juifs avaient, attenant au cimetière de la porte d’Anvers supprimé il y a une quinzaine d’années, quelques mètres de terrain à leur usage exclusif. C’est probablement ce «terrein» que vise la décision ci-dessus.

Rappelons que le pouvoir communal était exercé à cette époque par « l’administration municipale du canton de Gand » remplaçant l’ancien collège des vingt-six échevins supprimé à la suite de l’annexion de notre pays à la France.

L’administration municipale se composait de neuf membres dont un, le citoyen Jean Louis van Melle, remplissait les fonctions de président. Un délégué du gouvernement, nommé commissaire du pouvoir exécutif, assistait aux séances.

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